Par Monts et par Vaux

 

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La Bonette, route la plus haute d’Europe (Alpes du Sud)

Vers l’accueil général des Voies de communication historiques et routes célèbres

 

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       La route de la Bonette qui fait communiquer la vallée de la Tinée dans les Alpes-Maritimes avec la vallée de l’Ubaye dans les Alpes-de-Haute-Provence s’affiche comme étant « la route la plus haute d’Europe ». Il est vrai que son point culminant à 2802 mètres d’altitude a de quoi frapper les esprits ! Mais cette appellation est-elle justifiée ? La question revenant souvent, essayons d’y répondre.

 

       Pour commencer, nous laisserons provisoirement le terme « Europe » de côté et nous nous cantonnerons aux Alpes, ce qui n’est déjà pas si mal puisque cette énorme chaîne de montagnes s’étend du sud-est de la France à l’Autriche et à la Slovénie en passant par le nord de l’Italie, la Suisse et le sud de l’Allemagne. Bref, de quoi trouver de sérieuses concurrentes à notre route de la Bonette !

 

       Il faut ensuite définir de quel type de route on parle. Il y a les routes inter-vallées que l’on parcourt en traversée car leur point culminant, un col la plupart du temps, est accessible par deux versants différents et celles qui se terminent en cul-de-sac et qui demandent donc de redescendre obligatoirement par le même itinéraire que celui emprunté à la montée. Dans le premier cas, on peut donc dire que ce point culminant est accessible par 2 routes distinctes alors que dans le second cas, il n’y en a qu’une seule bien entendu.

 

       Il convient ensuite de faire une distinction entre les routes revêtues et celles en terre. Dans le 1er cas, il s’agira de routes accessibles par tout type de véhicule personnel alors que dans le second, il conviendra souvent d’avoir un véhicule possédant de réelles aptitudes « tout-chemin ».

 

       Alors, pour en revenir à notre route de la Bonette, disons tout de suite ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas :

- elle est bien la plus haute route revêtue inter-vallées des Alpes qui puisse se parcourir en traversée, donc sans avoir à redescendre forcément par l’itinéraire emprunté à la montée.

- en revanche, elle ne franchit pas le col routier le plus élevé des Alpes car le col de la Bonette proprement dit (2715 m.) se situe à une altitude moins élevée que celle du point culminant de la route (2802 m.) sur les flancs de la Cime de la Bonette et du coup se voit devancée par le col de l’Iseran (2764 m.), du Stelvio (2758 m.) et Agnel (2744 m.).

- elle n’est cependant pas la plus haute route revêtue des Alpes, si on considère également les routes en cul-de-sac et, à fortiori, elle n’est pas la plus haute route des Alpes dans l’absolu si l’on tient compte des routes non revêtues. Mais cela, nous le verrons plus loin.

 

       Normalement, cette route inter-vallées entre la Tinée et l’Ubaye n’aurait pas dû devenir « la route la plus haute d’Europe ». Les contraintes naturelles ne l’exigeaient pas. Elle l’est devenue car c’était le but recherché de ses concepteurs, quitte à ruser un peu ! Pour comprendre cela, un peu d’histoire s’avère nécessaire :

 

       Avant 1950, du côté Tinée (Alpes-Maritimes), une route permettait à partir de de Saint-Etienne-de-Tinée (1144 m.) de remonter la haute vallée jusqu’au hameau de Bousiéyas (1883 m.) où elle se terminait.

 

       Du côté Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence), les choses sont un peu plus compliquées. Dans les années 1800, une route communale permettait déjà de monter de Jausiers (1220 m.) jusqu’au hameau du Piz (ou Pis) (1960 m.).

 

       En 1882, le génie militaire, en fait les Chasseurs Alpins, prolongent cette route en créant une piste charretière militaire qui franchissait le col de Restefond (2680 m.) et le col des Granges Communes ou col de Raspaillon (2513 m.), à proximité de la Bonette, pour redescendre côté Tinée jusqu’aux Camp des Fourches (2260 m.). Cette piste était destinée au transport du matériel nécessaire à la construction d’un ensemble de casernes et de fortifications défensives pouvant servir en cas de guerre avec l’Italie qui, à cette époque, s’était alliée à l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie (Triple Alliance).

 

       A partir de 1928, l’armée décide d’améliorer cette piste qui se transforme en une véritable route en terre praticable par les camions militaires, ceci dans le cadre de la création de la fameuse Ligne Maginot (appelée Ligne Alpine dans ce secteur) destinée à nous protéger d’une attaque italienne (ou allemande selon la localisation). Ce sera l’époque de la construction des fortins et blockhaus en béton armé que l’on peut voir dans tout le secteur.

 

       La Seconde guerre mondiale terminée, l’idée de construire côté Tinée le tronçon manquant de la liaison Tinée-Ubaye entre le hameau de Bousiéyas et le Camp des Fourches prend forme et entre 1948 et 1950, ce tronçon est construit, ce qui fait que pour la première fois, un véhicule automobile peut passer de la Haute-Tinée à la vallée de l’Ubaye par le col de Restefond. La liaison automobile inter-vallée est réalisée ! Cependant, entre le Camp des Fourches et les casernes de Restefond, l’état de la route que l’armée n’entretient plus rend le trajet très délicat.

 

       Et c’est en 1959 que va naître l’idée de transformer cette route en l’améliorant d’une part et en lui donnant le titre prestigieux de « plus haute route d’Europe ». L’idée est simple : du côté Tinée, on garde le tracé existant jusqu’au col des Granges Communes (2513 m.). A cet endroit, on abandonne le tracé de l’ancienne route militaire qui s’élevait vers le col de Restefond (2680 m.) en passant sur le versant nord de la Cime des Trois Serrières dominant le Ravin des Granges Communes. Au lieu de ça, on adopte un tracé sur le versant sud de cette même Cime des Trois Serrières jusqu’à atteindre le col de la Bonette (2715 m.) d’où la route bascule versant Ubaye.

 

       Mais ce col n’est pas assez élevé pour que la route détrône les 2 géants que sont le col de l’Iseran (2764 m.) franchi par une route depuis 1937 et le mythique Passo dello Stelvio (2758 m.) dans le nord de l’Italie où la route existe depuis …. 1825 !!! L’astuce est donc de construire à partir du col de la Bonette une boucle qui ceinture la cime de la Bonette (2860 m.) sans en atteindre le sommet mais en s’élevant suffisamment haut sur les flancs de la Cime pour que le Col de l’Iseran soit dépassé et, tant qu’à faire, la barre des 2800 mètres franchie !

 

       Le tour est joué ! En 1961, la route est officiellement ouverte ! Et aujourd’hui avec son superbe revêtement qui la rend aisément accessible à tout véhicule, elle peut supporter un gros trafic touristique estival attiré par son qualificatif de « plus haute route d’Europe ». Il est évident que si le parcours de la prestigieuse « Route des Grandes Alpes » qui relie Thonon et Evian au bord du Lac Léman à Menton et Nice au bord de la Méditerranée, était établi aujourd’hui, cette route en serait un tronçon incontournable. Mais le concept de cette route prestigieuse est né en 1909. Un peu trop tôt pour notre Bonette ! Et l’itinéraire officiel entre les Alpes-de-Haute-Provence et les Alpes-Maritimes passe par le Col de la Cayolle (2326 m.), un itinéraire superbe au demeurant dont la route de la Bonette est tout de même considérée comme une variante officielle !

 

       Passons maintenant aux raisons qui font que certains prétendent que cette appellation de « plus haute route d’Europe » est usurpée.

 

       La première raison demande que l’on sorte du cadre alpin; nous la laisserons de côté pour le moment pour y revenir plus tard.

 

       La seconde, qui nous intéresse davantage, est que même en laissant de côté les hautes routes alpines non revêtues, il y en a tout de même une dans les Alpes, et une seule d’ailleurs, qui s’élève un peu plus haut que notre Bonette. Il s’agit de la « Ötztaler Gletscherstraße(Route des glaciers de l’Otztal) dans le Tyrol autrichien. Construite en 1972, cette route permet depuis la station de sports d‘hiver de Sölden (1377 m.) d’atteindre le glacier de Rettenbach (2675 m.) puis, après avoir traversé un long tunnel de 1750 mètres de long, le glacier de Tiefenbach où elle se termine sur un grand parking en bordure de ce second glacier. A la sortie nord du tunnel, cette route goudronnée est mesurée à 2829 mètres d’altitude (record des Alpes pour une route revêtue) avant une courte descente sur le parking terminal (2795 m.). Il s’agit par ailleurs d’une route à péage (en Autriche, il en est de même pour de nombreuses routes de haute montagne) très bien entretenue et empruntable par un service de bus. Chose assez incroyable étant donné son altitude, la route est maintenue ouverte en toute saison et se voit réouverte le plus rapidement possible en cas de fortes chutes de neige.  Cependant, ce n’est pas une route qui joue un rôle touristique aussi important que notre Bonette. Elle n’est pas un trait d’union entre deux grandes vallées alpines ; elle ne sert qu’à desservir deux glaciers qui sont des éléments importants du domaine skiable de Sölden.

 

       Nous nous pencherons prochainement sur les routes de haute altitude des Alpes, y compris cette fois celles qui ne sont pas revêtues et ne se laissent pas toujours parcourir aisément. Ce sera l’occasion d’évoquer quelques routes mythiques dont hélas, certaines ont presque disparu aujourd’hui faute d’entretien.

 

 

 

       Quelques photos prises sur la route de la Bonette. Ci-dessous, le hameau de Bouzieyas (1883 m.) pris de la Stèle Jacquemot à 2343 m. d’altitude, entre le Camp des Fourches et le col des Granges Communes. Sur la photo suivante prise du même endroit, on voit les lacets du tronçon Bouziéyas-Camp des Fourches, le dernier morceau de la route de la Bonette à avoir été construit.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 6 Juillet 2011.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 6 Juillet 2011.

 

       Ci-dessous, la route de la Bonette au niveau du Camp des Fourches (2260 m.).

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 23 Octobre 2014.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 23 Octobre 2014.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 26 Juillet 2012.

 

       Sur la photo ci-dessous, on voit le tracé de la route entre le fond du vallon (2445 m.) du col de Pélouse à gauche et Bousiéyas (1883 m.) à droite.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 7 Juillet 2007.

 

       Ces vues ont été prises de la route de la Bonette au niveau du col des Granges Communes (2513 m.). La première montre le versant nord de ce col avec le ruisseau qui descend vers Jausiers et l’Ubaye. A noter qu’on aurait très bien pu ne pas aller plus haut. Ce col aurait pu faire un excellent passage inter-vallées entre la Tinée et l’Ubaye. La seconde montre le versant sud avec la route qui descend vers le Camp des Fourches.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 23 Octobre 2014.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 23 Octobre 2014.

 

       Ci-dessous, le tracé adopté en 1959 qui évite l’ancienne route du col de Restefond et se dirige vers le col de la Bonette (2715 m.) en demeurant plein sud.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 7 Juillet 2007.

 

       Ci-dessous la Cime de la Bonette (2860 m.) avec sa table d’orientation au sommet, ceinturée par la boucle de la route de la Bonette. Le col de la Bonette proprement dit se voit tout à fait en bas à gauche de la photo.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 7 Juillet 2007.

 

       La route qui ceinture la cime s’élève dans un décor presque purement minéral !

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 7 Juillet 2007.

 

       Ci-dessous les casernes de Restefond du côté Ubaye, à 2565 mètres d’altitude.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 23 Octobre 2014.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 23 Octobre 2014.

Route de la Bonette

Route du col de la Bonette (Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence), 1883-2802 m. d’alt., le 26 Juillet 2012.

 

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